Quand on part loin et longtemps (et léger🚴♂️) même si ce n'est pas sur une île déserte, se pose la question de quel livre on emmène avec soi. Je suis parti avec deux livres. Le premier est un "Que-sais-je" sur Nietzsche (par Jean Granier). Pourquoi Nietzsche ? Ses écrits m'ont toujours accompagné depuis qu'un prof de philo m'avait montré le chemin à 20ans. Dit simplement, il parle de dépassement de soi, de décryptage des pouvoirs (et des oppressions), de comment embrasser son destin. Il prend ces sujets sur des millions d'angles et de style, il les psalmodie à l'envi... Tout n'est pas bon à prendre (la glorification de la compétition, l'égocentrisme, la terre brûlée, l'impasse totale sur l'amour...) mais c'est d'une densité appropriée pour un raid au long cours. L'autre livre est une vulgarisation de la physique quantique: "Helgoland" de Carlo Rovelli. Les caractéristiques et les implications de la physique quantique (celle au niveau atomique par opposition à la physique mécanique qui régit les plus grands agrégats) sont fascinantes. Parti avec deux livres si différents (plus un troisième qui est intime) j'ai été sidéré qu'ils aient un sujet en commun. Et pas n'importe lequel: l'interdépendance...
Carlo Rovelli lance le tango (ils sont deux) en décrivant les fondamentaux de la physique quantique. Bref rappel: la position d'une particule (et d'autres caractéristiques) n'est déterminée que lors de son observation. Avant de l'observer on ne sait dire que sa probabilité d'être ici ou là. On ne peut connaitre à la fois sa position et sa vitesse. C'est le principe d'incertitude. Ca a l'air de rien mais il faut bien saisir cela: l'observateur est crucial. Pas de chercheur qui observe, pas de position. Déjà un premier choc quand on réalise l'anthropocentrisme d'un tel constat. Première précaution cependant: cela serait véritablement anthropocentrique si c'était le cas de la matière à un plus haut niveau (les objets, la nature, le vivant...) mais on ne parle là que de particules. Les animaux existent et ont des caractéristiques indépendamment de notre présence (ce qui n'empêche pas de penser l'univers dans une relation étroite à l'homme: l'homme n'a pas créé l'univers cependant l'univers que nous connaissons est peut-être l'un des rares parmi une infinité qui soit observable par un être intelligent en raison de l'ajustement parfait de ses lois physiques. Mais c'est un autre sujet...) Même si l'observateur est essentiel uniquement à ce niveau, l'enjeu est de taille: l'univers est constitué par des particules, donc au final nous ne sommes constitués que par des probabilités, qui sont suffisamment élevées et qui jouent sur des nombres de particules suffisamment grands pour que nous nous réveillons à peu près à l'identique. Mais l'indétermination est omniprésente. Et le point de vue sous-tend tout ce que que nous croyons connaitre de façon objective. Partant de là, Rovelli explique qu'on ne peut attribuer de caractéristiques à une entité, un objet sans prendre en compte qu'il s'agit à un niveau moléculaire d'une caractéristique relative à un observateur. "il n'y a pas de propriétés en dehors des interactions" écrivait Heisenberg l'un des créateurs de la physique quantique.
Et là... page 44 du "Que-sais-je" ("Ainsi parlait Zarathoustra" pour la source) Nietzsche explique que l'Etre n'est qu'une illusion : il n'a pas de substance et il n'existe que par le fragile réseau des individualités qui ont chacune un "point de vue" sur le monde, une interprétation. L'Idéalisme, l'existence d'Idées platoniciennes indépendantes de nos représentations avait déjà été fragilisé par ses prédécesseurs: Nietzsche va plus loin et prône le "perspectivisme" le plus entier. La connaissance est toujours pluraliste, la multiplicité des points de vue "interdit la totalisation qui ferait triompher une interprétation unique", un "je ne sais quel absolu". L'être n'est qu'un flux de relations, assumées à partir d'une multitude de "centres" dont chacun dévoile certains aspect du monde selon la perspective qu'il ouvre sur le monde. Certes il existe des convergences, mais "tout comprendre" ce serait ignorer tous les rapports de perspectives. Qui plus est Nietzsche rappelle que l'interprétation n'est que le résultat des valeurs qui nous définissent: ces perspectives ne sont donc que le miroir de nos intérêts (comme on le réalise tous les jours) On pourrait se contenter d'un Nietzsche pour prendre le relais philosophique de la physique quantique mais Rovelli fait intervenir un autre philosophe: l'indien Nagarjuna qui nous a laissé depuis le deuxième siècle un texte qui fait étonnamment écho à la physique quantique du vingtième siècle. Si le ciel n'a pas de couleur en soi, mais relative à un observateur, si une pierre ne se situe que par une autre pierre, Nagarjuna postule que rien ne possède une existence en soi, indépendante d'autre chose. L'absence d'existence indépendante est appelé "vacuité" ("Sunyata") Les choses sont vides. Il n'existe que des perspective sur elles. Des perspectives et rien d'autre. Même cette vacuité est vide, même la métaphysique de Nagarjuna est vide... Il n'existe que de l'interdépendance!
Si vous êtes encore en train de me lire après ces (trop) nombreuses lignes , accrochez-vous encore un peu😉 Ca monte encore d'un cran: cette interdépendance dépasse les limites du temps!!! Le concept derrière cette "caractéristique" (ouh!) est celui de l'"intrication quantique". Je crois avoir tenté d'improviser une explication à l'oral sur ce sujet plusieurs douzaines de fois sans succès : je prenais des raccourcis approximatifs, je présupposais un élément inconnu de mon interlocuteur... L'écrit devrait améliorer ça, essayons : L'intrication quantique est le fait que deux particules dites intriquées ont des propriétés qui sont liées, lien qui se maintient malgré la distance entre elles. On a dit préalablement qu'il n'y avait pas de propriétés, ou plutôt que des perspectives. Soit. Donc prenons un photon. Parmi ses caractéristiques, on sait qu'il a une polarisation horizontale ou verticale (la polarisation, je n'arrive ni à la comprendre ni à la vulgariser😉). On sait que lorsque deux photons sont émis d'un atome, les deux doivent avoir des polarisations opposées (d'après le principe de conservation cinétique dans un système) On sait aussi d'après le principe d'incertitude que la polarisation n'est déterminée que lors de sa mesure par un observateur. Si on mesure la polarisation d'un des deux photons après son émission, on sait que l'autre est d'une polarisation opposée sans même avoir besoin de le mesurer. Le problème se complique et devient un paradoxe (le paradoxe EPR, E qui vient de Einstein) lorsqu'on fait cette mesure un certain temps après l'émission des photons. Mettons les à une distance telle que la lumière met par exemple 1 seconde à parvenir de l'un à l'autre. La lumière ayant la vitesse la plus rapide dans notre univers, toute information est également limitée par la vitesse de la lumière. Donc il faudrait une seconde à une information sur le premier photon pour parvenir au deuxième. Or si on mesure la polarité des photons au même instant, observe que le deuxième photon a bien une polarité inverse du premier, alors même que le premier n'a vu sa polarité déterminée uniquement au moment de la mesure par observateur! Donc les 2 photons sont corrélés, "intriqués", par une relation qui dépasse les limites de la lumière, la distance qui les sépare. On n'explique pas aujourd'hui ce type d'interdépendance, on ne fait que la constater. En parlant d'interdépendances aux delà de notre compréhension, on peut alors rebondir à nouveau cette fois de la physique vers la spiritualité et amener notre quatrième et dernier protagoniste: Bouddha. Qui a dit "Rien n’existe jamais tout à fait indépendamment du reste. Tout est en lien avec tout". Si les plus grands savants n'expliquent pas pourquoi ces interdépendances existent au niveau moléculaire, il est probable que l'on méconnaisse aussi totalement celle qui nous lie au niveau humain. De là à dire que les valeurs du collectif et du lien humain sont inscrits dans la matière, le temps, l'univers, il n'y a un petit pas . Que je franchis😉 Deux livres mais plein de parallèles, quasiment de quoi en écrire un troisième en chemin!
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